« La méchanceté en actes à l’ère numérique« , nouveau livre de François Jost, sémiologue, invité de l’Emission Tribu sur RTS la 1ère lundi 22 janvier 2018.
Pour François Jost, la violence s’est répandue, notamment à travers les réseaux sociaux. Il relève qu’avec le développement des médias audiovisuels, la vie est de plus en plus représentée – mise en spectacle – à travers des images. Dans le cadre de la télé-réalité, il est possible de juger tel.le candidat.e et de voter pour l’éliminer, le plus souvent sous couvert d’anonymat: une forme de « meurtre symbolique »?
Deux questions débattues dans le cadre de cette émission radio:
- Que dire du plaisir qui peut être éprouvé en regardant la méchanceté représentée sur un écran?
- Quelles conséquences possibles suite au déversement de violence à travers les réseaux sociaux?
La violence représentée à l’écran a été très discutée, dès le début du cinéma puis de la télévision. Quelques exemples et citations à explorer.
Représentation d’actes violents en dessin animé et en film
Depuis 1940 Tom et Jerry s’affrontent, parfois violemment…
Que peut-on dire de cette forme de violence représentée?
- quelles sont les conséquences des actes commis?
- qu’est-ce qui est semblable ou différent:
- dans un film ou une série TV?
- dans la vie réelle?
La saga « James Bond » au cinéma est intéressante à considérer: comment la violence y est-elle représentée, année après année? Au début, « pan t’es mort » un coup de feu et « l’ennemi » tombe, définitivement « proprement ». Pas de cri, pas de sang. Puis, petit à petit, la violence graphique devient plus abondante et explicite. Un article de L’Express (24 novembre 2006) évoquait une « surenchère de violence quasi permanente ».
La violence est par excellence télévisuelle. Elle se met facilement en scène, elle délivre des messages simples, elle est spectaculaire.
Une étude citée par Le Figaro estime qu’il y aurait trois fois plus de « violence sérieuse » dans les derniers « James Bond » qu’au début de la saga.
Que pensez-vous de l’explication suivante (extrait TV)?
Violence à l’écran et « méchanceté » du monde réel?
Un autre article présente des effets indirects de la violence à l’écran selon George Gerbner (sous « 6. les effets » de la Grille d’analyse MeDialogue).
George Gerbner avait mené une enquête étendue aux USA à propos de la violence à la télévision. Une de ses conclusions était que les grands consommateurs d’émissions violentes ont tendance à adopter une vision du monde similaire à celle présentée par la télévision. Il parlait de « mean world syndrom » ou « syndrome de méchanceté du monde ». Selon lui, les personnes qui regardent beaucoup de violence à l’écran sont susceptibles de surestimer le risque d’être victime d’un acte criminel. Elles ont aussi tendance à penser que leur environnement ainsi que la société en général sont plus dangereux qu’en réalité.
En 1997, André Gosselin, Jacques de Guise et Guy Raquette, de l’Université Laval, ont testé la théorie de Gerbner dans un environnement canadien. Ils ont constaté que des étudiants universitaires grands consommateurs de télévision étaient plus susceptibles de considérer le monde comme un endroit dangereux, tout en ne se considérant pas comme particulièrement peureux.
Importance de l’entourage et des interlocuteurs
« L’attitude des parents face aux émissions violentes a plus d’impact que les images elles-mêmes. »
Plusieurs études suggèrent que la violence à l’écran n’est qu’un des facteurs susceptibles d’inciter à des comportements agressifs. En Norvège, une enquête a souligné que le manque de supervision parentale avait plus de conséquences que les émissions violentes en elles-mêmes. Elle a aussi révélé que la violence dans les médias, combinée avec la violence réelle, pouvait créer chez les garçons un « trop plein ». Avec le risque de considérer l’agressivité comme une solution pour renforcer leur identité à l’intérieur de groupes marginaux. D’un autre côté, des chercheurs ont également montré que la manière dont les parents commentent les émissions violentes peut en atténuer de beaucoup l’impact. Huesmann et Bacharach arrivent à la conclusion suivante:
« Les valeurs familiales et la classe sociale déterminent davantage l’attitude face à la violence que le nombre d’heures passées devant la télévision, qui a une incidence significative, mais plus faible. »
Avoir des interlocuteurs est important. Serge Tisseron le souligne dans cet extrait TV:
Qui avez-vous comme interlocuteurs pour évoquer la violence à l’écran, ou ce qui vous fait violence? Et de qui êtes-vous ou pourriez-vous être l’interlocutrice ou l’interlocuteur?