Une publicité met en scène un rude apprentissage, une élévation progressive vers une forme de maîtrise. Il vaut la peine de proposer le visionnement de cette publicité sans avoir évoqué la marque ni le produit avant, et de s’arrêter à divers moments pour se demander si des indices permettent d’envisager pour qui cette pub est réalisée (première image explicite du produit après 36 secondes).
Composée de 59 plans différents, cette publicité propose une histoire que l’on comprend sans paroles. Le premier plan nous situe « en haut », et le mouvement de caméra plonge vers un nouvel arrivant. Le jeune homme est bien petit face à l’étrange grande porte et à celui qui lui ouvre.
La bande son est très soignée. Tapis musical qui unifie les divers plans. Bruitages sélectionnés (on entend frapper à la porte, puis quand celle-ci se ferme, mais ensuite on n’entend pas les sons liés à l’apprentissage).
Après 25 secondes, transition par un fondu au noir (entre les plans 22 et 23). Raccord de position et de mouvement: le plan 22 présente le jeune garçon tête penchée; le plan 23 démarre avec le jeune adulte qui relève la tête.
Grand changement d’ambiance musicale, avec accompagnement des cris et des bruits de combat par un tapis de voix graves, puis installation d’un silence relatif, avec gongs à l’arrière plan et, au premier plan sonore, la manipulation et l’ouverture du produit.
Noter le « ah » de satisfaction sur le plan 46, associé au premier sourire du jeune adulte.
Puis « roulement de tambour » ou quelque chose de similaire. Silence. Action. Et la musique entendue en début de publicité revient, associée cette fois à des rires et expressions joyeuses.
Quelques questions peuvent être discutées à partir de cette publicité.
- au fond, que vend cette publicité?
- en quête de quoi le jeune homme est-il?
On n’apprend rien par rapport au contenu de la canette. On suit un jeune homme qui monte pour être initié à des compétences et à un style de vie particulier. Il semble peut à peu s’intégrer, et réussir les exercices appris avec peine et persévérance. Mais il lui manque encore quelque chose. Il est agile comme les autres, il boit le même breuvage que les autres, et pourtant tous les regards se tournent vers lui… va-t-il comprendre?
Lorsqu’il adopte la marque qui a été visible dès le début de la pub (sur la grande porte, sur le front de celui qui ouvre, sur les bannières…), les sourires illuminent cette fois tous les visages: l’intégration est réussie, « il est des nôtres ».
Le dernier plan de la publicité répond au premier: nous nous trouvons à la même hauteur, mais cette fois-ci le jeune garçon (vu en plongée, petit en bas, au début) est devenu grand. Il dépasse même d’une tête tous les autres. Et surtout, il est au centre d’un mouvement joyeux de partage de gestes amicaux et de rires. Tout cela grâce à… une marque à se graver sur le front?
La quête du jeune garçon semble être orientée vers une nouvelle relation aux autres et à soi. En fin de publicité, la joie est présente, les personnes se touchent, échangent regards et sourires. Peut-être est-ce la grande histoire de toute vie: développer ses compétences et être intégré.e dans un groupe. Mais faut-il pour cela devenir porteur de marque? Du côté des entreprises commerciales, c’est sans doute une visée forte. Du côté des usagers, c’est l’occasion de questionner son statut: citoye.ne libre, en relation avec les autres, vivant et apportant sa différence? Ou consommatrice/teur portant les mêmes marques que les autres?
Comparaison intéressante à réaliser: visionner la publicité pour une autre marque de boisson, réalisée plus tard (2006, par BBDO), et qui reprend nombre de plans et clichés de la première version.
Une version plus longue de cette publicité existe également (2’30).