Publicité « Le cycliste »

Une publicité qui a suscité l’intérêt et généré quelques échanges polémiquesCette campagne de sensibilisation mise en place par la SUVA en avril 2017 met en scène un cycliste qui commet plusieurs incivilités le long de son parcours en direction de son lieu de travail. En opposition, un conducteur de voiture, objet des moqueries du cycliste, arrivera, lui, à destination sans accident…

Mise en ligne par la Police cantonale Fribourg et répertoriée par le site Culture Pub, voici la publicité en question:

Images chocs, humour noir, la recette a déjà été utilisée pour toucher le public par des clips de prévention (voir référence en fin d’article).

Des cyclistes ont réagi fortement au ton du spot publicitaire. La SUVA a souligné sa volonté de sensibiliser la minorité de cyclistes qui se comporte de manière inconsciente face aux dangers encourus.

L’analyse de cette publicité se révèle riche. Considérons tout d’abord la bande son:

L’illustration des plans qui composent la publicité, avec représentation du signal sonore en dessous, permet d’apprécier le soin porté aux bruitages, aux moments de silence, à la voix des protagonistes.

Capture d_écran 2017-09-27 à 16.55.41

Quelques éléments pouvant être soulignés sur le plan sonore:

  • la prise de son est effectuée dans la proximité avec le cycliste: on l’entend bien parler, qu’il marche ou qu’il roule, et on entend les bruits de son vélo (focalisation sur le protagoniste)

  • 2 messieurs parlent (l’un plus que l’autre), 2 dames moins (l’une plus que l’autre)

  • la parole est centrale dans cette publicité, tout est construit autour

  • la voix du cycliste est forte, dynamique, assurée, elle porte et prédomine, elle reste claire malgré l’éloignement de la caméra

  • musique forte sur le dernier plan avec les signatures

  • début de la publicité: bruitages naturels discrets, pas de musique

  • silence relatif avant les cris et les bruits liés à l’accident

  • voix off en fin de publicité, avec tonalité différente

  • usage du silence à plusieurs reprises, notamment l’arrivée au bureau

  • le bruit associe Lambert et sa voiture

  • on peut évoquer un effet Doppler en rapport avec le mouvement du cycliste

  • les bruits sont atténués à l’intérieur de la (belle, grande et proprette) maison, avec un petit effet de réverbération

  • à l’extérieur, nombreux bruits de klaxons (éventuellement provoqués en partie par le cycliste?)

  • le « beau-parleur » voit sa phrase coupée au moment de l’accident

  • le texte est très construit, avec jeux de mots, en rapport avec Lambert et avec l’accident (double sens, ironie, humour noir)

La publicité est composée de 16 plans, si l’on considère l’ensemble des titrages de fin comme une unité.

Capture d_écran 2017-09-27 à 16.56.04

Quelques éléments pouvant être soulignés sur le plan de l’image:

  • prépondérance de constructions centrées, notamment sur « Monsieur qui a tout réussi, qui est beau et dynamique »

  • plans statiques avec le cycliste qui avance (lui bouge toujours), et plans en mouvement pour essayer de le suivre, à hauteur de cycliste

  • transition entre plans par de simples « cuts » (une image remplace la précédente), avec usage de volets naturels (quelqu’un ou quelque chose passe devant la caméra), de raccords de regard (un personnage regarde et le plan suivant nous montre ce qu’il voit) et de raccords de mouvement (qui continue d’un plan à l’autre dans le même sens)

  • le cycliste s’adresse à la caméra; il a autorité pour nous parler comme pour parler de son voisin; le cycliste est situé d’emblée en haut, il est filmé en contre-plongée, ce qui lui donne de l’importance (impression de supériorité, de maîtrise)

  • la profondeur de champ (zone de mise au point ou de netteté) est utilisée au plan 4 pour conduire notre regard entre le cycliste et le voisin automobiliste

  • la publicité commence dans un bain de lumière, avec une représentation stéréotypée de « monde familial idéal », tout est « propre en ordre », moderne

  • la couleur bleue est prédominante; c’est la couleur préférée des européens, et elle est adoptée par de nombreuses institutions

  • un mouvement de caméra – travelling arrière – renforce l’impression de vitesse (d’autant plus que le cycliste va plus vite que ce mouvement)

  • le cycliste, bien habillé, semble prendre bien soin de lui (et de sa fille, qu’il porte et confie par un geste quelque peu autoritaire à son épouse)… mais pas de sa conduite à vélo

  • noter la transgression de plusieurs usages du code de la route

  • le cycliste ne regarde pas ce qui l’entoure: ni son enfant, ni son épouse, ni la circulation (il regarde son voisin Lambert, mais pour le dénigrer)

  • le cycliste – héros prend la moitié de l’écran (plan 4); Lambert, lui, est tout petit, en bas (plongée)

  • présence de surcadrages: la porte garage qui forme une sorte de cadre autour du cycliste; le bureau qui forme une sorte de cadre autour de Lambert

  • présentation du logo par une construction axiale (centrée)

  • le « petit voisin bedonnant » porte une mallette qui fait son âge

  • plusieurs personnages sont habillés en noir, ils n’attirent pas l’attention, qui doit rester centrée sur le cycliste

  • la fenêtre du bureau donne sur l’extérieur, là où le cycliste est resté…

Quelques éléments pouvant être soulignés sur le plan du montage:

  • le personnage principal est toujours dans le cadre (ou le plan coupe rapidement après sa sortie du cadre), le plus souvent au centre, jusqu’à ce qu’il en soit dramatiquement expulsé
  • l’automobiliste, lui n’est pas au centre du cadre, et n’est pas suivi avec tant de soin par la caméra; il sort du cadre et revient, en fin de publicité
  • l’accident est représenté en « caméra subjective », comme si on assistait à la scène, avec tous les mouvements induits par le choc, la surprise, l’interrogation du regard (caméra bouge, tremble, cherche)
  • « Lambert » est nommé à 6 reprises, dans le cadre d’un long monologue sarcastique; le cycliste (se) parle, c’est un monologue; en fin de publicité un court dialogue a lieu entre l’automobiliste et une collègue de bureau
  • la voix de la femme collègue au bureau peut être qualifiée d’acousmêtre (personnage invisible et faisant partie de l’histoire): voir la définition proposée par Michel Chion dans un très intéressant glossaire dédié au son
  • noter la longueur du plan de fin
  • contraste entre la belle journée ensoleillée et les oiseaux qui chantent, puis le déplacement dans un environnement plus bruyant, et le grand effet de choc lors de l’accident, avant de retrouver une ambiance plus calme au bureau… puis de conclure sur une « grosse musique »
  • l’accident vient perturber la situation initiale… on attendrait une résolution, comme dans la majorité des récits, mais elle ne surviendra pas… la rupture demeure, il n’y aura pas de rétablissement, de nouvel équilibre pour le personnage principal
  • relever l’accélération de la coupe et des mouvements avant l’accident: présentation rapide de l’alternance entre cycliste et circulation (et toujours centralité du « donneur de leçons »)
  • contraste entre parole forte du cycliste, prépondérante, avant l’accident, et la suite, à un niveau sonore moindre
  • noter l’expression « c’est pas la mort » puis la reprise du terme par la voix off
  • contraste entre la légèreté de ce qui est dit et la gravité de l’accident
  • de bonnes raisons de prendre le vélo sont évoquées: santé (bouger), souci écologique, gain de temps
  • présence d’une image en creux (on ne voit pas quelque chose qui est attendu): on entend des cris, on ne voit pas qui les émet
  • usage de champ / contre-champ et de plongée / contre plongée
  • fluidité du montage, continuité entre les mouvements du cycliste (une exception)
  • présence d’ellipses temporelles
  • possible de relever le nombre de références à la mort (évoquée verbalement, et par l’image et le son)
  • noter l’insistance sur le bureau vide, qui souligne l’absence
  • il serait intéressant de visionner la publicité en s’arrêtant avant la « chute » (le choc, en fait) et de demander à une personne qui ne l’aurait jamais vue pour quelle marque ou quel produit cette pub a été réalisée: une marque de café? de voiture?
  • énumérer les divers clichés (stéréotypes) relatifs à une certaine forme de vie de famille
  • noter que le cycliste nous regarde… plus que la route
  • présence de nombreux mouvements du cycliste de gauche à droite (sens de lecture habituel en occident); avant l’accident on constate un mouvement de droite à gauche, qui peut susciter l’attention
  • les transitions se font juste au moment où le cycliste vient de sortir du cadre… avec l’exception du plan de l’accident, dans lequel le cycliste est percuté alors qu’il s’approche du bord du cadre de l’image
  • le plan de l’accident est bougé; le plan de Lambert au bureau est parfaitement stabilisé (et l’homme sort du cadre et entre à nouveau, bien vivant)
  • le cycliste, personnage toujours visible, disparaît, alors que l’automobiliste, peu visible au départ, redevient visible et reste seul à la fin
  • à la fin, inversion entre les personnages: Lambert devient celui qui se moque
  • noter l’usage d’un vocabulaire très populaire, y compris pour la voix off
  • le cycliste est bien visible et net sur les images, le décor lui apparaît flou en raison des mouvements
  • le plan de l’accident a fait l’objet d’un travail de truquage en post-production
  • le cycliste est filmé de plus en plus loin, mais sa voix reste proche (décrochement spatial)
  • le cycliste ne regarde pas sa femme, ni la route, il s’adresse toujours à la caméra
  • possible de noter les mouvements de Lambert (de gauche droite, puis l’inverse dans bureau)
  • les bruits de bébé et de baiser peuvent renforcer l’idée de l’importance familiale (des gens tiennent à ce personnage)
  • noter que le côté moralisateur passe du cycliste à la voix off
  • contraste: on passe d’une publicité avec prédominance de voix à une prédominance musicale à la fin
  • le cycliste n’a pas de nom (identification plus aisée pour les cyclistes qui regardent la publicité?), il fait ce qu’il dit (prendre son vélo), il bouge vite (la caméra semble avoir de la peine à le suivre)
  • question en rapport avec le public visé: jeunes adultes? présence de jeux de mots et importance de la musique?
  • le plan de l’accident est une sorte de plan séquence (suivi de plusieurs changements dans le même plan)
  • le moment de l’accident constitue un point de synchronisation important: un gros son et un gros choc à l’image
  • on peut découper la publicité en 3 parties: début (le cycliste père de famille part au travail), milieu (l’accident), fin (la « vraie » morale)
  • construction séquentielle, avec découverte du produit ou de la marque à la fin de la publicité seulement
  • le mari parle, avec un ton sec et dominant, l’épouse murmure
  • la présentation de la maison et de la famille indique que le cycliste a beaucoup à perdre

Une autre publicité de prévention avait suscité bien des réactions avant « Le cycliste » : « Anastase: le tour de magie » a été visionnée par des millions de personnes… à voir ici.

Une autre campagne de sensibilisation plus récente, concernant le canabis, à voir ici.

Un commentaire sur « Publicité « Le cycliste » »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s