Voici une grille qui a été proposée par l’association MeDialogue dès son origine, en vue de questionner notre rapport aux médias.
1. espace / temps
- positionnement?
- activités déplacées ou empêchées? (substitution à une expérience réelle)
- temps et espace occupés en lieu et place de… ?
Il s’agit ici de questionner la place qu’occupent les médias, technologies et réseaux numériques dans nos vies, sur le plan de l’espace (où sont les écrans? est-ce significatif de certaines priorités pour nous?) et du temps (combien de temps consacré aux divers écrans et médias chaque jour ou chaque semaine?)
Globalement il semble que la population mondiale passe en moyenne 3 heures par jour devant un écran de télévision. Le temps dédié tous les écrans (cinéma, téléphone portable, tablette, ordinateur et autres) est supérieur.
2. média
- sources / canaux à disposition?
- atouts? (offres supplémentaires)
- limites?
- contraintes?
La diversité des supports et des sources est une grande richesse. Comment en tirer profit? Explorer les différents médias, s’ouvrir à la nouveauté, modifier ses habitudes: autant de moyens d’enrichir son usage des médias et des réseaux sociaux numériques.
3. pouvoir
- qui parle à qui?
- conceptrice/teur? productrice/teur? réalisatrice/teur?
- qui diffuse?
- image du public cible?
- objectifs?
Derrière toute production médiatique, il vaut la peine de cerner les enjeux: que cherche-t-on à atteindre au moyen de ce qui est produit et diffusé? « Qui gagne quoi » est une question simple mais primordiale.
4. contenu
- présent / absent?
- qualité technique / artistique / journalitique?
- information / divertissement / éducation?
5. au fond
- stéréotypes?
- valeurs (histoire, mythes, héros)?
- vision du monde (idéal, but, méthodes)?
- adéquation selon l’audience?
True Heroes <=> Hollywood Heroes
métier typique: enseignant, policier, médecin, mécanicien, charpentier <=> détective, mercenaire, policier corrompu
journée typique: travailler, lire une histoire, donner un bisou, participer à un club, aider comme bénévole <=> meurtre, combat, beuverie, jeu, sexe, conduite rapide
activités inconnues: frapper quelqu’un, tuer <=> changer les langes, recycler, nettoyer
Selon Clifford Gertz (« The Interpretation of Culture »), voici, dans l’ordre, ce que nous percevons d’une culture:
-
produit: ce que les gens produisent dans une culture donnée
-
comportements: une raison à ce qui est produit
-
valeurs, croyances, idéaux
-
vision du monde: niveau de foi inconscient, choses que l’on tient pour vraies, coeur collectif
Une culture est conservée et transmise à travers les histoires qui parlent d’elle.
6. effets
- directs?
- indirects?
Un exemple: les effets potentiels de violences sur les écrans. Violences au pluriel, car il peut s’agir de violence graphique, de montage au rythme violent (qui fait violence à l’usager), de paroles violentes, de situations humaines dures, etc.
Les médias – télévision et jeux vidéos notamment – ont fait l’objet de vives critiques avec accusation d’engendrer directement, par mimétisme, des actes violents. L’ensemble des enquêtes scientifiques menées indique qu’il n’y a pas de lien direct entre violence consommée sur un écran et violence commise dans la vie réelle. L’effet inverse, cathartique (on se « purgerait » de violence intérieure en regardant de la violence) n’est d’ailleurs pas non plus confirmé statistiquement.
Par contre, ainsi que George Gerbner l’a étudié et abondamment publié, la violence sur les écrans peut avoir une série d’effets indirects qui ne sont pas anodins.
Effet indirect 1: stéréotypes
- plus on regarde plus on utilise des stéréotypes
- risque d’avoir des préjugés par rapport à des personnes jamais rencontrées mais qui ont été représentées de façon stéréotypées sur un écran
Effet indirect 2: normalisation de la violence
- risque de devenir indifférents: pour George Gerbner, la violence désensibilise, l’usager a tendance à faire preuve de moins d’empathie, à ne pas spontanément porter secours ou aider (« à la télé, le héros ou les forces de l’ordre interviennent »)
- accoutumance: risque de s’habituer à la violence, de la considérer comme normale, universelle, et adéquate pour apporter des solutions (la violence serait efficace)
- a terme la violence peut ne plus choquer ou en tout cas moins émouvoir
- pensée que tout conflit peut se résoudre à force de violence, ou que celle-ci est la solution la plus rapide et efficace (noter qu’il est rare de voir à l’écran toutes les conséquences des actes violents présentés, notamment dans les fictions… qui nettoie, reconstruit, console, pleure les morts?)
- pensée que la violence est la norme, qu’elle survient partout et que tout le monde y a recours… elle serait donc acceptée comme normalité, comme fonctionnement légitime
Effet indirect 3: repli sur soi, ne plus risquer la relation
- difficulté à envisager la construction d’une amitié ouverte avec une personne inconnue
- méfiance à l’encontre de l’étranger, du différent, des minorités
- il semble que plus on est confronté à de la violence sur les écrans moins on exprime de la confiance à l’égard de l’autre
Effet indirect 4: peurs
- celles et ceux qui regardent beaucoup de violence sur les écrans auraient plus peur que les autres de sortir pour une ballade en forêt de nuit par exemple
- insécurité: on se sent vulnérable, le danger semble être partout
- risque de devenir plus craintive/tif, de se refermer sur soi ou sur un petit groupe connu, semblable
- dans les fictions, le plus souvent quand un moyen de transport public est représenté, il va s’y passer quelque chose de dramatique: cela pourrait-il contribuer à renforcer les craintes liées à leur usage?
- une étude aux USA parmi les enfants a montré que ceux qui regardent beaucoup la TV étaient deux fois plus nombreux à dire qu’ils avaient peur d’aller dehors de leur maison (on a compté qu’un tiers des personnages représentés à la TV gagnent leur vie en combattant le crime ou en le commettant)
En résumé, des effets indirects possibles seraient que les médias ne provoquent pas la violence mais qu’ils contribuent à la renforcer. Ils feraient ressortir des tendances à vouloir observer de la violence, du côté des usagers.
Une remarque importante: en fonction de la personnalité de chacun.e et de son environnement social et culturel, le rapport à la violence et la façon dont elle pourrait générer des effets indirects sont très différents.
7. action
- prise de conscience?
- analyse / évaluation?
- choix créatifs et actifs?
- gestion responsable et libre (encouragements, critiques, propositions)?

En 2016 une campagne propose le même slogan, à l’occasion du « World TV Day » du 21 novembre.
Une vidéo promotionnelle remercie les téléspectateurs pour leur usage des écrans:
C’est en 1996 que l’ONU a choisi le 21 novembre pour la « Journée mondiale de la télévision », occasion de « souligner l’importance de la télévision dans nos vies ».
Encore plus fort, un slogan pour l’édition 2017 de la journée mondiale de la télévision: une tonalité quasi religieuse?
Un autre regard est parfois proposé, très (trop?) critique:
Entre le rejet absolu des écrans et de médias et leur usage sans aucune distance critique, une position d’équilibre est proposée:
– l’écrit pour y naviguer librement
– la radio pour sa liberté de mouvement et d’imagination
– l’audiovisuel pour s’y immerger en aventurier des sens
– le multimédia pour ses réseaux d’information
Pistes pour mieux choisir contenus et supports:
- diversifier, expérimenter, sélectionner
- analyser, questionner, discuter
- participer, réagir, commenter, produire, diffuser, enrichir…
Grille pour analyser globalement un contenu:
- Sujet
- quoi / pourquoi / pour quoi
- intérêt
- force
- originalité
- Traitement
- comment
- forme (reportage, fiction, animation, etc.)
- style et ton (fantastique, poétique, etc.)
- construction du discours
- scénario
-
découpage / rythme / durée
-
qualité de l’image (cadre, angle, composition, etc.)
-
qualité du son (prise de son, musique, mixage, etc.)
-
qualité du montage
- Impact
- sur moi personnellement
- sur mon entourage et moi
- sur mon environnement
- sur le monde
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